Il y a des jours où je peux le surmonter, où je peux vivre avec la maladie, même si je sais qu'elle est là, qu'elle ne me laisse pas en paix, j'avance, je fais ce qu'on attend de moi, j'agis comme si j'étais presque.. Naturelle.
Et puis il y a des moments où, comme ce soir, je n'en peux plus, trop c'est trop.
J'ai mal aux côtes, j'ai l'impression de les entendre craquer à chaque pas. Je sens mon ventre bouger au rythme de mon coeur. Marcher m'épuise, j'ai l'impression que je vais tomber toutes les 10 secondes. On me demande de faire certaines choses, et je les fais sans me plaindre, alors que tout ce que j'aimerais faire c'est aller me coucher, dormir, oh oui dormir et oublier.
Je suis allée faire un tour à la librairie, aujourd'hui. Je voulais me trouver un peu de lecture, car je ne regarde pas souvent la télé. Et puis j'ai regardé les magasines féminins. Et putain, ça m'a sauté aux yeux :
"Mincir avant l'été, la recette miracle !"
"Liste de tous les coupe-faims"
"Le régime, mieux que Dukan !"
"Perdre du poids efficacement"
"Se préparer pour le maillot de bain"...
Et j'en passe et des meilleurs. Et après ils s'étonnent que tant de gens tombent dans les TCA ? Mais quel est ce besoin de rendre les gens minces? Oui, l'obésité est un fléau, mais et la maigreur? Et la malnutrition? Et les maladies psychologiques qui en ressortent?
Je me suis arrêtée devant ces magasines. Je n'en ai pas vu un seul traitant des soucis liés aux TCA. Personne qui ne parle de ces maladies, pourtant fréquentes, comment les éviter, comment s'en sortir, comment ne pas sombrer. Et j'ai trouvé ça écoeurant.
Je suis sortie de la librairie sans rien acheter, sans même dire au revoir, dégoûtée, révulsée par cette mode à la petite taille.
Et on ose encore me demander pourquoi je fais ça ? Comment j'ai bien pu en arriver là ? Moi, cette question, je ne me la pose plus...
Ce que j'aimerais savoir, c'est comment m'en sortir !
En rentrant, j'ai pas pu, pas pu continuer, pas pu faire comme si tout allait bien, mon chat miaulait, il voulait manger, et moi j'voulais qu'on me laisse tranquille, je voulais tout envoyer valser, vider mes placards à la poubelle, tout casser, et ce que j'ai fais, bah c'est m'étaler dans la cuisine pour pleurer.
Pleurer en pensant à demain, en me demandant comment j'allais supporter cette journée de travail, comment j'allais faire pour pouvoir tenir la cadence, car même si mon travail n'est pas physique, il faut quand même être dynamique, souriante, mais comment faire alors que je n'en peux plus, que je suis usée, épuisée, que tout ce que je veux c'est disparaître? Alors je pleure encore et encore, en priant pour que la nuit soit longue et que demain soit loin, et surtout, surtout, je pleure en me disant que j'aimerais enfin être libérée de tout ça.
Mais je sais, encore une fois, que ça ne durera pas, et que ce soir, mes rituels reviendront.... Putain de cercle vicieux. J'en peux plus.
Aujourd'hui, je suis sortie, et j'ai été dans un fast food. J'ai voulu essayer de manger. Je suis restée assise un quart d'heure avec la peur de manger. Finalement, j'ai été aux bornes automatiques. J'ai hésité, puis j'ai finalement pris un sundae nature, sans arachide. Bref, juste la crème. Deux bouchées. Poubelle.
J'ai essayé.
Toi aussi, essaye un peu chaque jour. Ou bien un petit pas chaque semaine. Mais essaye. Ce soir, tu craques : ok. Tu pleures si ça te soulage. Mais demain, essaye.