Alors comme d'habitude je me retrouvais inondée de bave, de morve et de larmes au dessus de la cuvette en priant de vomir au moins deux trois bouchées. En vain. Alors je me retrouvais à devoir porter sur mes épaules le poids de me orgies.

Je devais garder, digérer, assimiler des plâtrées de nourriture qui ont bien dû me faire prendre 3 ou 4kg. A vrai dire je n'en sais rien, je ne me suis pas pesée.

Et puis j'en pouvais plus.

J'en avais marre d'avoir peur de manger, peur de vomir ou au contraire, de ne pas y arriver, compter les calories, s'en vouloir, toujours s'en vouloir, avoir peur de tout...


Donc, je me suis décidée.

Si je ne veux plus me retrouver dans cet état, lamentable en essayant de vomir, avec des maux de gorges terribles et des blessures aux mains, il faut que j'évite les crises.

Et pour éviter les crises, il faut se nourrir.

Manger.

Bon ok, ça fait 3 jours maintenant que je tiens. Je n'ai fais aucune crise.



Mais je mange. Matin, midi, et soir.

Exemple aujourd'hui :
Matin : Un bol de céréales et un jus d'orange
Midi : Cuisse de poulet et petites patates (bon ok, 3 toutes petites patates.. mais je les ai mangées!)
Soir : Salade très légère (en général surimi+tomates) et un yaourt.

Bon c'est pas une journée à 1000kcal, si j'en atteint 800 c'est un exploit, mais pour moi vous n'imaginez pas ce que cela implique. Digestion, sentiment de lourdeur...

C'est tellement dur quand j'y pense. J'ai envie de pleurer tous les soirs, et tous les jours je me trouve plus grosse, plus gonflée, plus moche.

Mais en même temps, j'ai ce petit sentiment de victoire que je sens naître, quand je me dis que je n'ai pas fais de crise.

Est-ce que ça en vaut la peine? Je  ne sais pas.

Est-ce que ça va me guérir ? Je ne sais pas non plus.


Tant de fois j'ai cru en la guérison pour ne replonger au final que dans un trou plus profond... 

Je ne sais pas ce que ça va donner.

Du moment que je rentre toujours dans me vêtements, et que je ne vois pas mon poids, tout va bien...


Maintenant, il faut que je garde à l'esprit ceci : Ne pas me peser (car l'horreur de voir mon poids augmenter je pense me rendrait folle), et se dire que maintenant, je ne fais plus de crise, je vais bien, et petit à petit, peut-être, je pourrais augmenter les quantités.


Il faut que je m'en sorte. J'en ai marre de combattre. Je me sens si seule, si horrible, si ... dégoûtante.


Je veux devenir quelqu'un.




Je veux faire quelque chose.




Et je ne veux plus être anorexique.

Et parfois, je vais avoir envie d'essayer, parce que "ça peut pas continuer comme ça" et qu'après tout "c'est moi qui décide, pas la maladie".

Comme aujourd'hui. J'ai voulu manger.

Mais tout ce que je parviens à faire, c'est rester figée devant le frigo et mon placard. Je n'y arrive pas. Je ne sais pas quoi manger, quoi prendre sans risquer de craquer.

Car souvent, quand je me prépare un plat, ça m'ouvre à une crise, je mange plus que ce que j'aurais dû, et je sais comment ça va finir : je vais aller aux toilettes pour rendre ce que j'ai avalé.

Seulement je n'en peux plus de vomir. C'est trop fatiguant, ça fait trop mal, et surtout, je sais qu'au fond je ne recrache pas tout.

C'est cette idée qui s'insinue en moi quand j'essaye d'aller manger : si tu ne peux pas tout rendre, alors ne mange pas.

C'est une boucle. Si tu manges, vomis, si tu ne veux pas vomir, ne mange pas.

Et cette voix, j'aimerais lui faire fermer sa gueule ! J'aimerais qu'elle me laisse ! Je veux être normale !

Je veux profiter de la vie, je veux avoir autre chose que ça qui me caractérise !

Sauf... Que je n'y arrive pas, ça me dépasse.


Je ne suis qu'une pauvre fille sans volonté.

Et cette maladie, c'est une torture, une vraie.

Et si la solution c'était pas tout simplement de partir pour me reconstruire ailleurs ? Loin de ce cadre ? Loin de ces souvenirs qui me rongent.
 

Loin de la maladie qui me chuchote des choses à l'oreille...


Aujourd'hui, il fait beau, il y a du soleil, mais je reste à la maison.

Parce que je n'ai personne à voir. Nul part où j'ai envie d'aller.


Nul part, sauf loin, sauf ailleurs.

J'ai envie de partir...