x-Ael-x

De l'autre coté de la porte

Mardi 30 avril 2013 à 13:47

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Le pire dans tout ça, c'est que je sais que ce que je fais est mal. Que je devrais pas m'aimer si maigre. Que je devrais pas refuser de manger, ou même être dégoûtée de manger.

Je sais que j'ai besoin de me nourrir, et que c'est ça qui me permettra d'avancer, de vivre, de continuer.

Mais dans ma tête, il y a une petite voix, une voix si petite mais qui a tant d'impact, qui me dit :
"-Tu veux vraiment redevenir la grosse vache que tu étais avant ? Te faire humilier à nouveau ? Faire une croix sur tes jeans taille 34, tes vêtements que tu trouves rayon enfant ? Est-ce que c'est ça que tu veux ? Alors vas-y, bouffe, ma grosse. Fais toi plaisir, prend ce gâteau au chocolat, et puis tiens, fais comme elle, mange ce sandwich plein de mayonnaise. Mais tu diras pas que je ne t'ai pas prévenue."

Quoi que je fasse, toute la journée, cette voix est là. Elle me fait comprendre que la nourriture, c'est dégueulasse et qu'il ne faut pas y toucher. Si j'ai faim ? Bah, bois un verre d'eau, mange un fruit (mais attention, pas n'importe lequel ! Oublie définitivement les bananes, les fraises et autres choses bien trop sucrées), prend une galette de blé, mais ne mange pas plus que de raison. Tu n'en as pas besoin !

Au supermarché, je tourne et retourne dans les rayons. Tout est scruté, analysé, décrypté. Trop de calories. Trop sucré. Trop consistant. Et même si j'ai honte de l'avouer, quand je cherche de la nourriture, je cherche aussi les choses qui sont faciles à vomir...

Donc, on banni la Pizza, les croûtes et la pâte c'est vraiment trop dur à vomir. On banni le pain, les sandwichs. Quand j'ai vraiment très faim, je peux à la rigueur me faire un peu de pâtes, c'est magiques les pâtes, ça se vomit tout seul. Certainement pas de gâteaux secs. Et je ne prendrais pas non plus de pommes de terre. 

Finalement, quand je repars du supermarché, mon caddie ne contient que des crudités, un paquet de pâtes, et c'est tout.

Tout ça après 2h de recherches.

Putain, j'en ai marre.

Mardi 30 avril 2013 à 0:23

 J'ai mis du temps à me rendre compte que j'avais un sérieux problème.

Je me souviens d'une époque où je regardais des films sur l'anorexie, le dimanche après-midi sur M6. (On a tous connu ça..)
Je rigolais de ces filles qui devenaient malades et qui s'en rendaient même pas compte. Je me demandais comment c'était possible, avec toutes les informations qu'on a aujourd'hui, de ne pas voir qu'on a un souci ?

Et puis ça m'est tombé dessus. La première fois que je me suis fais vomir, j'ai cru que c'était parce que j'étais désespérée, que c'était du dégoût pour la nourriture, ou encore de la tristesse. Alors j'ai ignoré tout ça. J'ai continué ma vie, enchaînant les repas maigres et les vomissements.

Je ne me suis pas rendue compte qu'il y avait quelque chose de pas normal. C'est bête non? Tout ce que je savais, c'était que je voulais mincir à tout prix. Devenir belle, les faire regretter toutes ces souffrances, me venger, plus que tout me venger.

Et puis, fatalement, j'ai fais un malaise et j'ai dû me rendre aux urgences. Là-bas, une infirmière m'a regardée et m'a dit :
'-Je sais qu'on ne se connait pas. Mais tu es jeune, tu as toute la vie devant toi, et je pense qu'il est dommage pour une jolie jeune fille comme toi de te gâcher la vie avec l'anorexie."

C'était la première fois qu'on osait me le dire. La première fois qu'on mettait un nom sur mes souffrances, sur mes crises.
Oui, ce n'est pas normal de se faire vomir, surtout quand on mange en si petite quantité. Oui, ce n'est pas normal d'aimer ses os, d'aimer les sentir et les voir. Je n'ai pas honte de le dire. J'aime me voir maigre, sentir mes côtes, mes hanches, chose que je n'ai jamais pu faire auparavant.
Le fait de me priver, de perdre du poids, ça me fait avoir un espèce de contrôle sur mon corps, je suis la seule à décider, à juger. C'est moi qui décide, moi la Reine. C'est con, mais je me sens toute puissante.

Et puis il y a les jours qui suivent. Les jours où je suis tellement affaiblie que je vais même pas pouvoir me lever de mon lit, les jours où je vais avoir une terrible rage de dents car elles se déchaussent, les jours où je vais être pliée en deux tellement j'ai mal au ventre, les jours où je vais perdre mes cheveux par poignées tellement ils sont anémiés, les jours où je vais avoir des sueurs froides, des tremblements et le tourni après avoir vomi. Ces jours-là, je me rends compte que je suis dans la merde, que ce que je fais n'est pas bien, que je vais finir par me tuer.

Malheureusement, ce genre de pensée rationnelle ne reste pas souvent, et mon désir de mincir reprend le dessus.

Alors pourquoi je suis ici, à blablater sur tout ça ?
Parce que je suis épuisée. A bout de forces. Que je suis perdue, que je n'arrive plus à faire face à tout cela seule, parce que j'ai besoin de parler mais pas à quelqu'un dont je pourrais voir le regard, car le regard des gens et parfois plus douloureux que des mots quand il se fait jugeur. 

Parce que tout simplement, je me dis que peut-être, quelque part, quelqu'un a vécu ou vit la même chose et que peut-être, on pourrait s'entraider.

Parce que peut-être, un jour, je pourrais guérir et retrouver la joie de vivre, de sourire sans faire semblant.
Et peut-être qu'un jour, enfin, j'apprendrais à aimer ce que je mange.



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Me voilà donc aujourd'hui... Bon, c'est pas catastrophique, j'ai encore quelques petits bourrelets, et des cuisses bien présentes...
Ou alors c'est moi, ou alors c'est dans ma tête, ou alors je ne sais pas.

Lundi 29 avril 2013 à 20:05

 Je m'appelle Léa. J'ai 23 ans. 

J'ai toujours été forte. Depuis mes 10 ans, j'ai ouvertement été classée comme "personne en surpoids", pour devenir une adolescente obèse.
Il faut savoir que je mesure 1m50, je suis une petite nana, et donc, quand on est potelée et petite, ça se voit.
Quand j'ai eu 16 ans, je devais peser 80kgs, et j'ai atteint le summum à mes 20 ans où, après en voyage en Turquie, j'ai pesé 95kgs.

Il va sans dire que j'ai été la cible des pires moqueries imaginable. "Grosse vache", "grosse truie", j'en passe et des meilleures, vous savez comment sont les enfants, et même les adultes entre eux. Les mots sont blessants, les gens le savent, et pourtant ils en usent bien souvent allègrement. 

J'ai été humiliée, blessée tant de fois dans ma vie. J'étais devenue une personne timide, se refermant sur soi, dépressive et pensant au suicide. Je suis passée par un stade de scarification, une espèce d'échappatoire à mon malaise, ne sachant plus quoi faire, ne sachant plus vers qui me tourner, ma propre famille se moquant elle-même de moi.

J'ai bien sûr tenté régulièrement les régimes, mais tout ce que je parvenais à faire, c'était perdre 5kgs pour en reprendre 7. J'étais désespérée, à bout, et je ne croyais plus en rien.

 

Et puis un jour, il y a eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : Après une rencontre avec un "amoureux virtuel", j'ai pris la gifle de ma vie en entendant ceci de sa bouche :
"-Tu es une fille formidable intérieurement. J'étais vraiment amoureux de la personne que tu es, mais ce à quoi tu ressembles ne me convient pas."

Inutile de dire que cela m'a profondément marquée, détruit. Alors, pour me venger de lui, ainsi que de tous les autres, de tous ceux qui avaient pu me faire du mal, je me suis lancée dans un régime avec la ferme résolution de ne plus craquer.

J'ai commencé tout bêtement par un régime classique : On retire les sodas, la charcuterie, les en-cas à tout bout de champ, et on mange équilibré, 3 repas par jour. J'ai perdu mes 15 premiers kilos comme ça, étonnant tout le monde de ce revirement de situation.

Mais ça ne me convenait pas. Je ne maigrissais plus assez vite à mon goût, j'étais impatiente de leur montrer ce dont j'étais capable, il fallait que ce soit rapide. 

Alors j'ai enchaîné avec le célèbre régime Dukan. Grâce à lui, j'ai pu perdre mes kilos superflus, et enfin rentrer dans une taille 38 alors qu'avant je ne descendais pas plus bas que le 48. J'étais tellement heureuse, tellement fière de moi !

Le regard des autres avait changé, les gens ne me reconnaissaient même plus, et je savais que je plaisais. J'étais heureuse, je me sentais bien.

 

Mais j'en voulais plus.

J'ai pris l'habitude de me comparer aux autres femmes, dans la rue. Et je trouvais cela insupportable d'être toujours plus potelée qu'une autre.
"Ah, si seulement je rentrais dans du 36, si seulement j'étais aussi fine qu'elle..."
Voilà le genre de pensée qui m'habitait. Je n'étais jamais satisfaite de mon poids.

Alors... J'ai diminué inconsciemment les quantités. Je ne mangeais plus que des crudités, de la salade, et ne buvait plus que de l'eau. J'ai continué à mincir.

 

Un jour, j'ai craqué : Je n'en pouvais plus de toutes ces restrictions, je voulais manger!  manger! Alors j'ai commandé une pizza, l'ait dévorée... Et suis allée me faire vomir.

C'est ainsi que tout a commencé : Quand mon collègue m'a fait remarquer que j'avais encore minci, que j'étais devenue plus belle.

 

Quand j'ai réalisé que je voulais mincir encore, à tout prix, peu importe ce qu'il m'en coûtait.

Aujourd'hui, le seul repas que j'arrive à avaler, les jours où tout va bien, c'est mon petit déjeuner, mes Special K. Et c'est tout.

Aujourd'hui, je suis épuisée, mes dents se déchaussent, mes cheveux sont anémiés. Je suis tout le temps congelée. Je n'arrive plus à tenir la cadence.

Aujourd'hui, je suis passée de l'autre côté de la porte.



 

Aujourd'hui, je suis anorexique.


http://x-ael-x.cowblog.fr/images/lol.jpgIci, c'est moi. A mon apogée, avec mes 95kgs. Mais ici, j'étais souriante....

 

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