J'ai toujours été forte. Depuis mes 10 ans, j'ai ouvertement été classée comme "personne en surpoids", pour devenir une adolescente obèse.
Il faut savoir que je mesure 1m50, je suis une petite nana, et donc, quand on est potelée et petite, ça se voit.
Quand j'ai eu 16 ans, je devais peser 80kgs, et j'ai atteint le summum à mes 20 ans où, après en voyage en Turquie, j'ai pesé 95kgs.
Il va sans dire que j'ai été la cible des pires moqueries imaginable. "Grosse vache", "grosse truie", j'en passe et des meilleures, vous savez comment sont les enfants, et même les adultes entre eux. Les mots sont blessants, les gens le savent, et pourtant ils en usent bien souvent allègrement.
J'ai été humiliée, blessée tant de fois dans ma vie. J'étais devenue une personne timide, se refermant sur soi, dépressive et pensant au suicide. Je suis passée par un stade de scarification, une espèce d'échappatoire à mon malaise, ne sachant plus quoi faire, ne sachant plus vers qui me tourner, ma propre famille se moquant elle-même de moi.
J'ai bien sûr tenté régulièrement les régimes, mais tout ce que je parvenais à faire, c'était perdre 5kgs pour en reprendre 7. J'étais désespérée, à bout, et je ne croyais plus en rien.
Et puis un jour, il y a eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : Après une rencontre avec un "amoureux virtuel", j'ai pris la gifle de ma vie en entendant ceci de sa bouche :
"-Tu es une fille formidable intérieurement. J'étais vraiment amoureux de la personne que tu es, mais ce à quoi tu ressembles ne me convient pas."
Inutile de dire que cela m'a profondément marquée, détruit. Alors, pour me venger de lui, ainsi que de tous les autres, de tous ceux qui avaient pu me faire du mal, je me suis lancée dans un régime avec la ferme résolution de ne plus craquer.
J'ai commencé tout bêtement par un régime classique : On retire les sodas, la charcuterie, les en-cas à tout bout de champ, et on mange équilibré, 3 repas par jour. J'ai perdu mes 15 premiers kilos comme ça, étonnant tout le monde de ce revirement de situation.
Mais ça ne me convenait pas. Je ne maigrissais plus assez vite à mon goût, j'étais impatiente de leur montrer ce dont j'étais capable, il fallait que ce soit rapide.
Alors j'ai enchaîné avec le célèbre régime Dukan. Grâce à lui, j'ai pu perdre mes kilos superflus, et enfin rentrer dans une taille 38 alors qu'avant je ne descendais pas plus bas que le 48. J'étais tellement heureuse, tellement fière de moi !
Le regard des autres avait changé, les gens ne me reconnaissaient même plus, et je savais que je plaisais. J'étais heureuse, je me sentais bien.
Mais j'en voulais plus.
J'ai pris l'habitude de me comparer aux autres femmes, dans la rue. Et je trouvais cela insupportable d'être toujours plus potelée qu'une autre.
"Ah, si seulement je rentrais dans du 36, si seulement j'étais aussi fine qu'elle..."
Voilà le genre de pensée qui m'habitait. Je n'étais jamais satisfaite de mon poids.
Alors... J'ai diminué inconsciemment les quantités. Je ne mangeais plus que des crudités, de la salade, et ne buvait plus que de l'eau. J'ai continué à mincir.
Un jour, j'ai craqué : Je n'en pouvais plus de toutes ces restrictions, je voulais manger! manger! Alors j'ai commandé une pizza, l'ait dévorée... Et suis allée me faire vomir.
C'est ainsi que tout a commencé : Quand mon collègue m'a fait remarquer que j'avais encore minci, que j'étais devenue plus belle.
Quand j'ai réalisé que je voulais mincir encore, à tout prix, peu importe ce qu'il m'en coûtait.
Aujourd'hui, le seul repas que j'arrive à avaler, les jours où tout va bien, c'est mon petit déjeuner, mes Special K. Et c'est tout.
Aujourd'hui, je suis épuisée, mes dents se déchaussent, mes cheveux sont anémiés. Je suis tout le temps congelée. Je n'arrive plus à tenir la cadence.
Aujourd'hui, je suis passée de l'autre côté de la porte.
Aujourd'hui, je suis anorexique.
Ici, c'est moi. A mon apogée, avec mes 95kgs. Mais ici, j'étais souriante....